Mieux comprendre la dyspraxie visuo-spatiale!

Qu’est-ce que la dyspraxie visuo-spatiale ou DVS ?
Peut-être avez-vous déjà entendu parler d’enfants atteints de dyspraxie motrice ? Ou du trouble de la coordination (TAC) ? Ou encore du trouble développemental de la coordination (TDC) ? Bien que les opinions peuvent diverger d’un auteur à l’autre [1], nous considérerons ici qu’il s’agit, en gros, de la même chose. En fait, le terme actuellement employé d’un point de vue du diagnostic lorsqu’on parle de dyspraxie motrice est le TDC.
L’enfant qui présente un TDC aura des difficultés dans la planification et la coordination des mouvements de son corps pour exécuter une action selon un but précis (ex. : former correctement une lettre, attacher un bouton, faire du vélo). Il n’arrive pas à automatiser des gestes qui, pour les autres, peuvent paraître anodins. On appelle souvent ce trouble, le « trouble du comment faire » : l’enfant sait ce qu’il doit faire, mais ne sait pas « comment » y parvenir. L’automatisation des gestes ne se fait pas et, à chaque fois, l’enfant doit penser à chaque étape (quand je trace un « a », je fais un demi-cercle dans le sens antihoraire, du haut vers le bas, suivi d’un trait ascendant, puis d’un trait descendant).

Imaginez un instant conduire votre voiture en ayant à penser à chaque geste que vous devez faire pour vous rendre à destination : changer de vitesse, accélérer, freiner, signaler un virage, actionner l’essuie-glace, choisir le poste de radio... tout en gardant en tête le trajet à suivre. Imaginez maintenant tenir une conversation en même temps. Impossible! Vous tomberiez en surcharge cognitive. Le cerveau n’est pas conçu pour faire 2 choses non automatisées de façon simultanée. Or, c’est souvent ce qui est demandé aux enfants dyspraxiques lorsque, par exemple, une explication est donnée alors qu’ils sont encore en train de chercher le bon cahier dans leur pupitre.

Le TDC touche environ 5 à 6 % des enfants. Pour obtenir ce diagnostic, il faut d’abord constater des difficultés motrices (maladresse, lenteur, imprécision) à l’aide de tests standardisés. Ces difficultés doivent interférer de façon significative et persistante sur la réalisation des activités de la vie quotidienne (habillage, soins personnels…) et avoir un impact sur les performances préscolaires, scolaires ou professionnelles. Un médecin ou un neuropsychologue peut émettre ce diagnostic d’exclusion, bien souvent en collaboration avec l’ergothérapeute.

Or, il arrive qu’un enfant dyspraxique présente, en plus des difficultés de coordination de ses gestes, des difficultés de coordination de ses yeux et des difficultés d’organisation spatiale. Par exemple, il aura de la difficulté à : suivre un objet des yeux comme une balle qui vient vers lui, à retrouver où il est rendu sur sa feuille d’exercices après l’avoir quittée des yeux pour se référer au tableau, à trouver un objet parmi d’autres dans un dessin, à lire sans sauter de mots ou de lignes ou encore à reproduire correctement des dessins ou symboles. On pourrait alors parler de TDC avec composante visuo-spatiale. On entend aussi parfois le terme « dyspraxie visuo-spatiale ». Ce terme est généralement employé par le ou la neuropsychologue. L’enfant voit bien, mais il a du mal à « organiser son regard » et a une difficulté à constituer une « notion d’espace ».

Concrètement, comment la dyspraxie visuo-spatiale se manifeste-t-elle dans le quotidien de l’enfant ?

Dans son fonctionnement général :
  • Son organisation est difficile. Par exemple, lorsque les gestes du regard sont désorganisés, l’enfant peut ne pas voir des objets qui sont dans son champ de vision comme sa mitaine tombée au sol, son crayon bleu dans son étui, son cahier d’exercices dans son bureau, etc. ;
  • L’habillage est plus lent et difficile ;
  • L’enfant a de la difficulté à se retrouver dans l’école, à faire/défaire son sac, à tenir son bureau et son casier en ordre ;
  • Il est hésitant dans les escaliers ou dans ses déplacements, particulièrement s’il y a beaucoup de circulation autour de lui ;
  • Il a de difficulté à retrouver de l’information sur une feuille, particulièrement si elle est chargée visuellement.
Lors des apprentissages :
  • En lecture, l’enfant peut omettre des lettres ou des mots, sauter des lignes, confondre des lettres comme b/d/p/q, inverser des syllabes (« en » vs « ne ») ;
  • En écriture, l’enfant a du mal à s’organiser dans les trottoirs d’écriture, à respecter la taille des lettres. Les tâches de copie sont particulièrement ardues puisque l’enfant se perd entre le modèle à copier et sa propre feuille, surtout si le modèle est au tableau. Toute son énergie va à la calligraphie, c’est-à-dire au geste moteur requis pour former chaque lettre. L’enfant ne peut donc plus réfléchir à l’orthographe, aux règles de grammaire, à l’idée à transmettre, à l’écoute (si dictée) ou encore à la compréhension de ce qui est écrit ;
  • En mathématiques, l’enfant peut avoir eu de la difficulté dans les jeux de construction, d’encastrement, d’assemblage. Le dénombrement est difficile (il compte 2 fois le même item, il en saute d’autres, il n’arrive jamais au même résultat). Les erreurs sont fréquentes lors des opérations (+ - x). Il a du mal avec l’alignement des chiffres en colonnes. La géométrie est difficile, notamment l’utilisation de la règle, du compas, de l’équerre. L’enfant a de la difficulté à remplir ou consulter les tableaux à double entrée. Il a du mal à se former des images mentales pour illustrer la relation d’un objet par rapport aux autres.
Dans les activités physiques et sportives :
  • L’enfant pourra avoir de la difficulté dans tous les sports, particulièrement les sports d’équipe (soccer, baseball) et les activités avec balle/ballon. Interpréter les mouvements des autres n’est pas chose aisée ;
  • Comprendre les consignes spatiales, effectuer des parcours (contourner un obstacle, faire du slalom, etc.) est également difficile ;
  • Apprendre à faire du vélo à 2 roues est souvent compliqué.
Au quotidien : tout le développement de l’autonomie fonctionnelle peut être affecté, que ce soit attacher efficacement ses boutons ou sa fermeture éclair, faire ses boucles, retrouver ses vêtements dans ses tiroirs, manipuler les ustensiles, se laver selon la bonne séquence, etc.

En conclusion

Les enfants sont appelés à vivre quotidiennement des situations où la coordination des mouvements de leur corps et de leurs yeux est requise. Pour l’enfant qui vit des difficultés motrices et d’organisation visuo-spatiale, parvenir à faire ce qui est demandé requiert une bonne dose d’énergie. En effet, comme l’automatisation des gestes de son corps et de ses yeux n’est pas là, il doit redoubler d’efforts pour répondre aux exigences, entraînant ainsi une fatigue importante, notamment en fin de journée. Il est important de comprendre qu’il ne s’agit pas de paresse et il est impératif de retirer de notre vocabulaire l’expression : « Quand il veut, il peut ! » Ce serait mal comprendre l’ampleur des défis vécus ! Au contraire, il faut reconnaître ses difficultés, mettre en place des moyens compensatoires pour contourner le handicap, et, par des exercices de réadaptation répondant à ses besoins spécifiques, l’aider à augmenter ses compétences.
Une étroite collaboration entre les différents professionnels de la santé et l’équipe-école est essentielle pour supporter le plein développement du potentiel de l’enfant, préserver son estime de soi et lui permettre de vivre des succès dans ses activités quotidiennes et son parcours scolaire.

À propos de l'auteure :
Mariann St-Hilaire est ergothérapeute depuis 2002 et dédie sa pratique aux enfants depuis ses tout débuts. Elle fait partie de l’équipe du CREDE depuis 2005, le nouveau point de services du Groupe Ergo Ressources à Québec.
À propos de nous : Le Groupe Ergo Ressources est un regroupement de 11 cliniques présentes dans la grande région de Montréal et la Capitale nationale. Nous desservons les enfants depuis 20 ans maintenant. 

Références

  • Formation « La boîte à réussites : pour développer le savoir-faire de l’enfant ayant une dyspraxie visuo-spatiale », par Caroline Robidoux, mère d’un enfant DVS sévère et Françoise Lespérance, ergothérapeute, Lévis, septembre 2018.
  • Lussier F. et al (2017). Neuropsychologie de l’enfant et de l’adolescent : troubles développementaux et de l’apprentissage, 3e éd. Malakoff : Dunod.
  • Mazeau M. et al (2016). L’enfant dyspraxique et les apprentissages : coordonner les actions thérapeutiques et scolaires, 2e éd. Elsevier Masson.
  • Mazeau, M. « La dyspraxie aujourd’hui » Développements 2013/3 (n0 16-17), p.94-102
  • Conférence « comprendre la dyspraxie et aider notre enfant en s’amusant » par Natasha Rouleau, erg, Colloque parents de l’ITP, nov. 2017
  • « Présentation de la dyspraxie visuospatiale, propositons d’aide » par Dr Alain Pouchet (médecin physique et de la réadaptation) et Claire Mouchard Garelli (erg)
  • « Enseigner à des élèves présentant une DVS illustrations en mathématiques et en EPS », Carel, SP et Duquesne, F. La nouvelle revue, IVRAIS, no 27, Suresnes, 3e trimestre 2004, pp 53-66
  • « Les dyspraxies », guides pratiquesavs.fr
  • Formation « Eyesight to Insight : Visual / Vestibular Assessment And Treatment », par Carl Hillier, OD, FCOVD, & Mary Kawar, OT/L, Québec, nov. 2014
  • Formation « Évaluation et traitement des habiletés visuo-perceptivo-motrices chez les enfants de 4 à 10 ans », par Natasha Rouleau et Josée Leblanc, erg, Montréal, mars 2006.
  • www.cartablefantastique.fr
  • http://jouer-et-grandir.com
  • www.dysmoi.fr
[1] Lussier, F. « Neuropsychologie de l’enfant et de l’adolescent ».
 


 

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